Évolution des Espaces Végétaux Lausannois

Analyse historique et spatiale de 1721 à 2024

Lausanne végétal

Source : MCBA – Lausanne et le lac Léman, 1842


Introduction

Depuis les années 1700, la ville de Lausanne a connu une transformation urbaine profonde, marquée par une expansion rapide et une densification progressive de son territoire. Ce fort développement, accompagné d’une urbanisation intense, a profondément modifié le paysage naturel de la région. Les milieux naturels tels que les forêts, champs, ou encore le marais ont dû parfois céder la place à une ville en pleine expansion. Plus récemment, la tendance est à l’émergence de nouveaux types d’espaces face aux enjeux croissants de qualité de vie et de durabilité dans un tissu urbain dense. Ainsi, ce projet vise à analyser comment les espaces végétaux de Lausanne ont évolué du XVIIIᵉ siècle à aujourd’hui, entre destruction et reconfiguration.

Processus

Afin d’analyser l’évolution des espaces verts à Lausanne entre 1721 et aujourd’hui, nous avons adopté une approche fondée sur l’exploitation de sources cartographiques historiques et contemporaines. Notre étude repose sur quatre référentiels principaux : le cadastre Melotte (1721), le cadastre Berney (1831), le cadastre rénové (1888) et le cadastre de 2024. En raison des limites de certains cadastres, nous considérons dans notre analyse une zone restreinte au centre de Lausanne et ses alentours, commune à toutes les sources considérées.

Pour chaque époque, nous avons extrait et vectorisé les surfaces végétalisées présentes sur les documents cadastraux, en nous appuyant sur les éléments lisibles et interprétables de chaque carte. Ces espaces ont ensuite été regroupés en macro-classes (forêts, prés, champs, vignes, bosquets, jardins) permettant une comparaison cohérente malgré les différences de précision, de style et d’échelle entre les cadastres.

Cette classification permet d’identifier les grandes tendances dans la transformation du paysage végétal lausannois au fil du temps, comme la disparition ou la réduction de certains types de milieux naturels. Cette démarche offre un cadre pour évaluer l’impact de l’urbanisation sur la trame verte de la ville et pour comprendre les dynamiques écologiques sous-jacentes.


Limites de l’approche par Macro-classes : le cas de Melotte

Le cadastre Melotte (1721) est intéressant car le plus distant du temps présent. Cette distance se traduit de plusieurs manières. Premièrement, le format du cadastre : il se présente en plusieurs planches dans un format qui n’est pas conçu pour être manipulé aplati. Cela génère des discontinuités lorsque les différentes planches sont mises bout à bout, ce qui rend difficile le géoréférencement précis (et a par exemple généré beaucoup de géométries invalides dans les SIG utilisés).

Ensuite, avec la distance temporelle vient souvent une forme de distance linguistique. La gestion de la concordance des termes et des usages est primordiale pour toute tentative d’analyse quantitative et, dans notre cas, constitue l’une des principales sources d’incertitudes. Pour illustrer cela, nous avons constitué un petit lexique basé sur le livre Nos Lieux-dits, Toponymie Romande de Maurice Bossard et Jean-Pierre Chavan :

Chenevrier
Parcelle réservée à la culture du chanvre, l’une des principales cultures de l’époque
Commun
Un terrain appartenant à la communauté, généralement un pré ou un bois
Clos
Petit pré mis à clos, le plus souvent près du village
Mas
Une ferme et son domaine
Chentre
Bord, limite d’un champ ; espace pour faire tourner l’attelage
Record
Pré clôturé après les foins pour permettre une deuxième récolte de fourrage
Planche
Terrain plat, généralement proche d’une maison, pré gras
Pasquier
Pâturage

Des choix ont dû être faits pour faire correspondre ces catégories à celles que nous avons déterminées pertinentes pour analyser l’ensemble des cadastres. Par exemple, nous avons décidé de catégoriser les parcelles marquées comme étant des « Terres » en terrains agricoles par analogie avec le cadastre Berney (1888) – décision étayée par des représentations picturales montrant, en plus des vignes, des terres cultivées qui seraient autrement absentes de notre représentation.

Extrait pictural du cadastre Melotte, montrant terres et vignes

L’impact de ces décisions sur les analyses quantitatives – mis en perspective avec nos connaissances limitées sur le sujet – renforce le fait qu’une étude approfondie de telles questions nécessite des expertises pluridisciplinaires.