Limites de l’approche par macroclasses et considérations sur la biodiversité

Bien que le regroupement des espaces verts en macroclasses facilite la comparaison cartographque à travers les siècles, cette simplification présente plusieurs limites, notamment lorsqu’il s’agit d’évaluer la qualité écologique et la biodiversité réelle des milieux concernés. Premièrement, les termes utilisés pour désigner certains types d’espaces ont évolué au fil du temps. Par exemple, le mot “jardin”, très fréquent dans les documents contemporains, était peu utilisé dans les cadastres anciens, ou désignait des réalités différentes. Aujourd’hui, un “jardin” peut désigner aussi bien un gazon ornemental qu’un espace végétalisé riche en espèces, alors qu’historiquement, il pouvait se référer à un potager ou à une simple cour plantée. Ces variations sémantiques rendent délicate l’interprétation directe des données anciennes.

De plus, la classification en grandes catégories masque des différences écologiques fondamentales. Un parc ou une prairie peuvent être très pauvres ou très riches en biodiversité, selon leur gestion. Par exemple, le gazon, forme extrême d’un espace végétal maîtrisé, est souvent dépourvu de fleurs et donc peu attractif pour les insectes. A l’inverse, les prairies maigres, souvent en pente et non fertilisées, peuvent abriter jusqu’à 60 espèces florales différentes, attirant une grande diversité d’insectes. Leur richesse biologique varie fortement selon la période de floraison, liée aux pratiques de fauche ou de pâturage. L’usage intensif des herbicides, la disparition des lisières, haies et buissons indigènes-éléments clés pour l’avifaune-, ainsi que la perte de structures paysagères anciennes, sont autant de facteurs de déclin pour la flore sauvage. De surcroît, si certaines zones sont laissées sans entretien (notamment les prairies), elles évoluent naturellement vers des formations arbustives, voire vers la forêt, stade ultime de la succession végétale en milieu tempéré. Mais ce dernier état n’apparait qu’après une certaine période qui souvent trop longue dans le cas de notre dynamique urbaine qui change rapidement. Ainsi, bien que les macroclasses offrent une lecture simplifiée et fonctionnelle de l’évolution des espaces verts, elles ne rendent pas compte des dynamiques internes de ces milieux ni de leur qualité écologique réelle. Pour une compréhension plus fine, il est nécessaire de croiser cette approche avec des données de terrain, des inventaires floristiques ou faunistiques, et des analyses de pratiques de gestion.

Un bel exemple illustrant ce phénomène est la zone de Vidy. Jusqu'en 1884, les eaux du Lémans furent soumis à une fluctution importante de leurs niveau (jusqu'à 2m). Ces territoires étaient classée, dans les cadastres Berney puis Rénové, comme pré avec un indice relativement faible de bio-diversité. Après la régulation du niveau du lac, la zone fut requalifiée en "jardin", avec, selon notre métrique, un plus fort coefficient de bio-diversité. Or, il va de soit qu'un marais possède une plus grande richesse en terme de bio-diversité qu'un parc comme on le connait à Vidy aujourd'hui. s

Source: HOFFER-MASSARD, Françoise, VUST, Mathias et BORNAND, Christophe, 2006. Flore de Lausanne, 1. A la découverte de la nature en ville, publié en 2006. ISBN-10 2-940365-05-9